Cueillette responsable & récolte consciente

 

Qu’est-ce que c’est ?

La “cueillette responsable”, aussi appelée cueillette “raisonnée”, “éthique”, ou encore “respectueuse”, ou bien “prélèvement raisonné” ou “récolte responsable”, désigne le fait de glaner des plantes dites “sauvages” - c’est à dire cueillies dans leur habitat naturel - dans le respect de la plante et son habitat. On suit pour cela plusieurs principes de base.


Chez Almâter, notre matière première est principalement le minéral (caillou, terre, sable, argile, coquillage) trouvé dans son habitat naturel, mais les conseils donnés dans cet article valent pour n’importe quel élément naturel glané, qu’il soit minéral ou végétal.


Dans cet article, j’ai à cœur de partager les points indispensables selon moi pour une cueillette responsable, ou récolte consciente. Certains sont des principes de base qu’on peut trouver dans toute pratique de cueillette responsable, et d’autres sont le fruit de mon expérience. Tous ces principes sont respectés dans la récolte des matières premières utilisées pour fabriquer nos pigments naturels et nos aquarelles artisanales.



Les 6 principes de la récolte consciente


Je choisis ici de parler ici de “récolte consciente”, car elle représente selon moi le pas suivant. La cueillette responsable qui se focalise sur l’acte de préserver l'environnement naturel est le premier pas, et il est indispensable. La récolte consciente est le terme que j’ai choisi pour désigner ce que je considere être le pas suivant, celui qui nous permet d’entrer en lien subtil et profond avec la terre, et celui que nous choisissons d’appliquer à notre pratique avec Almâter.

Dans la suite de l’article, je détaille l’esprit de la récolte consciente en 6 points : connaître le terrain, préserver le terrain, remettre à la terre, remercier, être présent et transmettre.

  • Connaître le terrain


Commençons par nous renseigner sur la nature du terrain, ainsi que son propriétaire, et les populations qui l’ont traditionnellement habité. Si nécessaire, demander l’autorisation pour accéder au terrain et pour glaner. Par exemple, il est interdit de ramasser des éléments naturels dans les parcs nationaux et les zones naturelles protégées ; tandis que certaines autres zones nécessitent un permis qui peut être délivré sous certaines conditions. Aussi, il est déconseillé de pénétrer dans d’anciennes mines, où il peut y avoir un risque d’éboulement.

Apprendre à connaître un terrain, c’est aussi venir le rencontrer vraiment, avec tous ses sens, et avec son cœur. C’est ne pas venir uniquement pour prendre, mais prévoir aussi des sorties sans but, sans projet de cueillette, juste pour rencontrer la terre, et apprendre à la connaître sans le filtre d’une recherche, ou de ce qu’on aurait lu à son sujet dans un livre…oser la rencontre à coeur ouvert, et se laisser surprendre.

  • Préserver le terrain

Pour préserver le terrain et ses ressources, nous sommes invités à ne prendre que ce dont nous avons besoin et rien de plus. Varier les sources permet aussi de ne pas appauvrir un endroit unique. Il vaut mieux prendre un tout petit peu à 3 endroits différents que faire une grosse récolte en un seul point.

Il est important également de ne pas laisser de trace de notre passage, et évidemment, surtout pas d’objets non-biodégradables. On peut même ramasser et emporter les déchets laissés par d’autres humains ; c’est aussi une manière de remercier la terre qui nous accueille.

Aussi, attention à ne pas déloger des pierres qui servent de refuge pour d’autres espèces, notamment animales ; les priver de leur habitat peut menacer leur survie.

  • Remettre à la terre


Si après quelque temps il s’avère que notre récolte ne nous a pas servi : prévoir une visite au territoire où nous les avons prélevés si possible, ou bien un autre territoire similaire, pour redonner à la terre ce qui ne nous sert plus - plutôt que de remplir les poubelles, qui n’est pas leur place.


Et pourquoi pas en profiter pour symboliquement donner à la terre nos soucis, nos tracas, ainsi que les émotions, croyances, actes ou situations dont nous ne voulons plus dans notre vie. La terre les compostera pour nous…

Chez Almâter, seulement 30% de notre récolte peut être transformée en pigments fins adaptés à la fabrication de peinture de qualité. Le reste est soit redonné à la terre, soit pulvérisé à nouveau pour tenter un second affinage, soit utilisé pour les créations artistiques de Cindy.

  • Remercier - La réciprocité

Il est primordial pour nous d'envisager nos récoltes, non pas comme un shopping de consommateur où l’on viendrait se servir dans la nature qui nous donne gratuitement - mais comme un échange réciproque issu d’une rencontre. Nous ne venons pas que pour prendre, mais aussi pour donner en retour.

C’est un échange.

Il est facile d’avoir une petite idée de ce qu’on peut offrir à un proche, à un ami…mais qu’offrir à la terre ?

Eh bien la première chose à offrir, c’est sa sincère gratitude. L’état intérieur de reconnaissance et de gratitude dans lequel l’échange est effectué, est le plus important. Il vaut mieux un simple “merci” silencieux, sincèrement ressenti dans son cœur, qu’une prière récitée par cœur et par obligation, ou qu’un objet déposé sans vraiment savoir pourquoi on le fait. 

Mais si vous souhaitez offrir autre chose en plus de votre sincère gratitude, voilà quelques idées issues de ma propre expérience : un chant, une prière, du land-art avec ce qu’on peut trouver sur place, un petit objet naturel ou biodégradable qui a du sens pour vous, un mouvement, un souvenir, un mot d’amour… Soyez créatif, et surtout spontané, tant que ça vient du cœur, ce sera un bel échange !

Si le don est matériel, il doit se fondre dans le territoire et le sublimer, et non pas “faire tâche” et dénaturer le paysage. Et comme évoqué plus haut, ramasser les déchets laissés par d’autres humains est également une très belle manière de remercier la terre, ainsi que de la préserver.

Enfin, si vous en avez la possibilité et l’envie, le don peut également se faire en euros ou en temps de bénévolat à des associations et organisations qui prennent soin de la terre.

En gardant à l’esprit que ce don particulier peut être un “plus” , mais ne peut en aucun cas se substituer à un sincère état intérieur de gratitude, qui est la base. Car tous les dons en euros du monde, et toutes les actions des associations possibles ne sauraient préserver la terre et protéger la nature, tant qu’en parallèle tous les humains qui l’habitent (donateurs et bénévoles compris) la traitent comme une ressource sans âme, y passent sans vraiment la rencontrer, et se servent en consommateurs.

  • Être présent


Le point précédent a amorcé la transition avec celui-ci : l'état intérieur dans lequel on vient récolter des éléments naturels est le point primordial pour une récolte consciente et réciproque.

Lorsque j’entre dans une forêt - ou un autre environnement naturel - je marque toujours un petit temps de pause, pour dire “bonjour”. C’est très important pour moi de marquer un temps de pause dans ma marche, mais aussi dans le fil de mes pensées. Je m’arrête, je regarde autour de moi pour découvrir mon environnement, et je laisse les mille pensées qui s'entrechoquent dans ma tête, à l'orée du bois.

Ne pas polluer la terre, c’est aussi ça : ne pas y entrer comme dans un PMU, en parlant fort, en ne levant pas les yeux du sol, et en ruminant les mêmes pensées en boucle, sans même un bonjour…la moindre des politesses. La pollution n’est pas que plastique, elle n’est pas que matérielle, elle est aussi sonore, elle est subtile.

Quand j’entre dans la forêt en criant, en racontant tout et n’importe quoi, en ruminant mes soucis, en ne marquant pas une pause pour sentir l’espace autour de moi et le saluer…j’agis comme une consommatrice et une pollueuse. Et même si par ailleurs je trie mes déchets, je milite contre le réchauffement climatique, je fais des dons réguliers à des associations et que je vote écolo…si je ne suis pas sincèrement présente avec la nature lorsque je la côtoie, je continue d’agir comme une pollueuse et une consommatrice.

Offrir notre pleine présence à la terre, est le minimum que nous puissions faire, et en même temps pas le plus simple car nous n’y sommes plus habitués.

Apprendre à être présent à nous-même et à notre environnement, observer le paysage avec tous nos sens, ça peut ressembler à ça…

“Qu’est-ce que je vois ? 

→ des branches, des troncs, le soleil entre les cimes, un écureuil qui passe, la rivière qui coule…

Qu’est-ce que je sens (avec mon nez) ?

→ l’odeur des aiguilles de pin, la boue sous mes pieds, la fragrance d’une fleur…

Qu’est-ce que je sens (sur ma peau) ?

→ l’air frais du matin, l’humidité de la rosée, la chaleur des rayons du soleil…

Qu’est-ce que j'entends ?

→ des oiseaux qui chantent, au loin un chien qui aboie, tout près un petit animal qui farfouille dans un buisson, dans mon oreille le vent qui siffle, le clapotis de l’eau…

Comment je me sens ?

→ aujourd’hui je me sens en colère et je suis fatiguée, je ressens aussi de l’espoir et de la joie, je me sens un peu confuse…c’est avec tout ça que j’arrive, merci la forêt de m’aider à composter et transmuter mes émotions

Bonjour ! Je te vois. Merci de m’accueillir. On va passer un petit moment ensemble ce matin.”

Voilà à quoi peut ressembler un début de promenade en état de présence. Commencer simplement par observer et noter ce que je vois, ce que je sens, ce que j’entends, comme je me sens, pourquoi je suis là… ralentir le rythme, et être en état d’accueil, de réception, de rencontre.

Et pour aller encore plus loin, il est possible de s’entraîner à développer cette écoute toujours plus fine et subtile du vivant, qui permettra de sentir lors de la récolte d’un élément naturel, si cet élément nous donne l’autorisation ou non de l’emporter avec soi.

L’état d’esprit est en effet le point primordial. C’est que si l’on habite la nature avec notre pleine présence, le reste en découle naturellement. Si je suis présente à la forêt, que je la connais et que je l’aime, je sais ce qu’il est juste de faire et de ne pas faire, je fais la différence entre porter préjudice et prendre soin, je sens ce qui est un cadeau et ce qui est un déchet, et je vais agir dans son intérêt. Si je suis présente à moi-même et à mes émotions, je ne vais pas prendre plus que ce dont j’ai besoin, car je connais mes besoins, j’ai de la clarté sur mes pulsions et mes manques. Là, je n’ai alors plus besoin de règles extérieures à respecter.

  • Transmettre

Et puis, à notre tour, parler de notre pratique de récolte responsable, transmettre les principes concrets ainsi que la philosophie, l’éthique et l’état d’esprit qui sous-tendent la pratique. Partager l’importance de prendre soin de la terre, et d’entrer en lien avec elle. Partager l’importance de la rencontrer, de la connaître, de collaborer avec elle.

Lors d'échanges amicaux, à travers notre art, dans le cadre de notre métier, dès que l’occasion se présente et semble appropriée… 


Conclusion

Cet article, c’est justement ma manière du moment de transmettre cette expérience de rencontre avec la terre que je vis personnellement depuis des années, et qui s’approfondit au fur et à mesure du temps.

C’est aussi une occasion de partager la manière dont nos aquarelles Almâter sont créées, comment sont récoltés les minéraux qui en sont à l’origine, et dans quel état d’esprit, dans quel état intérieur sont réalisées les aquarelles avec lesquelles vous créez ensuite vos belles et vivantes oeuvres !

Je n’ai pas abordé les éléments de sécurité qu’il est possible de trouver ailleurs : quelles plantes sont toxiques, quelles pierres sont dangereuses, mais aussi quels peuvent être leurs bienfaits et leurs utilisations variées… Il est en tout cas important de se documenter à ce sujet avant de ramasser des espèces inconnues, et de les transformer (en soupe ou en poudre…). Beaucoup d’articles ainsi que des guides sous forme de livres donnent accès à ces informations.

Je vous souhaite une belle rencontre avec la terre !

Cindy Kaercher, fondatrice d’Almâter

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La petite histoire de notre aquarelle blanche